“En comparaison avec les écrits deHamann, la Phénomonologie de l’Espritde Hegel est … une lecture qui siedparfaitement à un temps de vacances.Car avec Hamann, quelque chose denouveau apparaît : Une obscuritéintentionnelle, créée.”- Ludwig Reiners,écrivain,Stilkunst: Ein Lehrbuch der deutscher Prosa, nouvellement édité par Stephan Meyers et Jürgen Schiewe (Munich: C. H. Beck, 1991), p. 265.“[J. G. Hamann] est l’homme qui acontaminé son siècle de son esprit et l’acomplètement changé. Cet éveil del’homme intérieur aux alentours de1760 qui trouva son expressionartistique dans la culture classico-romantique surgit de Hamann. Lapuissance énigmatique dont rayonnaitce rare homme et qui envahit toute sonépoque se range parmi les secretsinsolubles de l’histoire de la pensée etde l’esprit humains" - Josef Nadler, Johann Georg Hamann, Saerntliche Werke(collection d’œuvres), Historisch-kritische Ausgabe von Josef Nadler (édition historico-critique de Josef Nadler) (Vienne, Autriche: Verlag Herder, 1949-1957), 1, 320.Tables des matières :PARTIE I: LA FORMATION D'UN SOCRATE CHRÉTIENCHAPITRE 1: LA VIE ET LES ŒUVRES DE HAMANN (1731–1788)CHAPITRE 2: LES ECRITS DE LONDRES : DE LA GLOIRE DE LA CONDESCENDANCE TRINITAIRECHAPITRE 3 : UNE RELECTURE TYPOLOGIQUE DE SOCRATE : DE LA FOI, LA RAISON ET L’HISTOIREPARTIE II : CROISADES DU PHILOLOGUECHAPITRE 4 : VIE ET ŒUVRES (1760-1774)CHAPITRE 5 : VERS UNE POÉTIQUE CHRISTOLOGIQUE : UNE NOUVELLE ESTHÉTIQUE DES ECRITURES ET DE LA CRÉATIONCHAPITRE 6 : A PROPOS DE L’ORIGINE DU LANGAGE : HAMANN CORRIGE SON DISCIPLE HERDERPARTIE III : MASQUES ET TEXTES ÉNIGMATIQUESCHAPITRE 7 : VIE ET ŒUVRE DE HAMANN DE 1775 À 1780CHAPITRE 8 : LA PAROLE À LA SIBYLLE : DU MYSTÈRE PROTOLOGIQUE ET ESCHATOLOGIQUE DU MARIAGECHAPITRE 9 : FRAGMENTS D’UNE SIBYLLE APOCRYPHE: DE LA RELIGION RATIONNELLE ET APOCALYPTIQUEPARTIE IV : MÉTACRITIQUES : RAISON, RELIGION NATURELLE ET POLITIQUE LAÏQUE CHAPITRE 10 : VIE ET ŒUVRE DE HAMANN DE 1780 À 1784CHAPITRE 11 : LA MÉTACRITIQUE DE KANT : HAMANN DÉCONSTRUIT LE RÊVE TRANSCENDANTALCHAPITRE 12 : POLITIQUE MÉTACRITIQUE : DE LA JÉRUSALEM DE MENDELSSOHN ET DE L’ETAT LAÏQUE MODERNEPARTIE IV : UN VOYAGE FINAL : LA DERNIÈRE VOLONTÉ ET LE TESTAMENT DE HAMANNCHAPITRE 13 : HAMANN - SA VIE, SON ŒUVRE (1785-1788)CONCLUSION : APRÈS LA POSTMODERNITÉ : HAMANN DEVANT LE TRIUMVIRAT POSTMODERNE
Les Lumières et la raison laïquepar John R. BetzLa réactualisation de la pensée de Hamann vient à point nommé.Nous pourrions affirmer qu'aujourd'hui, après plus de deux cents ans de cheminement des Lumières, après l'effondrement des fondements théoriques et moraux de l'humanisme laïque, d'ailleurs conformesaux prévisions de Hamann, il est possible de mesurer toute l'étendue et l'importance prophétique de ce qui pourrait s'y substituer selon sa vision. Car sa « métacritique » dévastatrice de Kant et de la « foi »des Lumières en la raison font de Hamann, à plusieurs égards, unprécurseur chrétien de la philosophie postmoderne – au point même d'imposer, je pense, en dernier ressort, un choix entre unepostmodernité laïque et une théologie « postlaïque. » Mais avantcela, il importe de dépasser les « Lumières » elles-mêmes – un terme pris ici, et nonobstant la diversité des opinions, dans le sens d'uneépoque affiliée à « une approche rationnelle cohérente des grandesquestions religieuses, éthiques, tout autant que théologiques etphilosophiques. » Plus précisément, cela demandera de faire appel à la pensée d'un homme des « Lumières » aussi célèbre que Kant (àl'évidence le plus important philosophe de cette époque-là), à J. D.Michaelis (père de la critique biblique moderne), Lessing (le plusimportant dramaturge allemand et critique des Lumières) etMendelssohn (sans conteste le principal théoricien de la relationEglise/Etat). Mais ce qui distingue nettement la recherche actuelledes évaluations classiques des Lumières, c'est que la perspectivechoisie n'a rien de lointain, mais confronte ces mêmes Lumières àune personnalité de l'époque, homme de grande culture et de plusami personnel de Kant et de Mendelssohn.Étant donné la persistance des principes des Lumières dans lediscours officiel, au point qu'ils ne sont pratiquement jamaiscontestés dans la culture populaire, leur dépassement ne peut êtreconsidéré comme un acquis. De fait, comme Charles Taylor l'a faitobserver, cette entreprise implique d'investir rien de moins qu'unecitadelle d'idées bien établies appelée la « citadelle de la raisonlaïque» qui, depuis une position apparemment imprenable, dominele paysage, soit l'ensemble de la société moderne. À la clef, unimpératif : « Remettre en question l'autorité, » en particulier latradition religieuse (afin de lui substituer l'opinion personnelle autitre de guide infaillible, sans prendre en compte la formation morale de l'individu), un guide accepté sans le moindre esprit critique. Tout l'édifice est en quelque sorte mandaté par le philosophe EmmanuelKant dont l'essai révolutionnaire de 1784 salue les Lumières comme un progrès sans précédent de l'humanité, progrès de la raison surl'ignorance, la superstition, la déférence aveugle à l’égard del'autorité, et le caractère immature d'une « volonté autorégulée des'assumer. » Cette avancée a donc été mercantilisée avec succès, àl'égal de toute autre idéologie du passé : Des individus rationnelsn'ont plus aucun besoin d'être guidés par les instances hétéronomesde la religion et de la tradition, mais peuvent être guidés par la raison seule et s'en remettre entièrement à elle.Il est presque impossible de contester le succès de ces doctrines, sicompatibles avec notre orgueil (voir la première tentation en Éden), et dont l'expansion tous azimuts n’a jamais été aussi rapidequ'aucune autre religion universaliste. Elles constituent de fait lapierre de touche de la civilisation occidentale moderne, et rendentcompte de tout, depuis une méfiance assez générale à l'égard de « la religion instituée » jusqu'à « la séparation radicale entre l'Église etl'État, » issue d'une lecture tendancieuse de « la clauseinstitutionnelle » de la Constitution des États-Unis (impliquant unmandat d'inadmissibilité de toute forme de loi naturelle ou théologie naturelle, autrement dit, l'athéisme admis de facto comme religiond'État, ce qui aurait été aussi impensable que déconseillé par lesanciens et la grande majorité des hommes des Lumières eux-mêmes). Toutes dérivent de la doctrine première des Lumières, formulée enregard des prétendues « guerres de religion » qui leur servent enpermanence de sombre toile de fond, laquelle doctrine stipule que la religion devrait être une affaire privée, restreinte au domaine de lacroyance individuelle, sans droit aucun d'expression politique - etcontre laquelle chacun doit sans cesse se mettre en garde, par respect pour la pureté de l'espace laïque réservé à la pensée laïque bienaccueillie et seule autorisée à dominer.